Zinédine Zidane il a tapé !
Je ne suis ni supporter, ni fan (de quoi ou qui que ce soit).
J’aime regarder les matchs de football internationaux, c’est à dire généralement tous les deux ans, si possible entre potes et pas nécessairement une bière à la main ! Un verre de Graves me convient mieux.
Si je me suis décidé à déblatérer sur le coup de boule de Zidane c’est parce que l’évènement ma suffisamment interpellé pour que j’éprouve le besoin d’y mettre mon grain de sel. Enième contribution au bar du commerce virtuel…
[Les faits]
Finale de coupe du monde en Allemagne, 9 juillet 2006, l’Italie bat la France aux penalties après match nul et prolongation. Dix minutes avant la fin du match Zinédine Zidane, capitaine en fin de carrière, était encore sur le terrain. Bien plus tôt, à la septième minute, il bat le gardien Gianluigi Buffon1 lors d’un penalty incroyable, unique dans l’histoire personnelle du joueur (tir à la Panenka).
[/Les faits]
Après avoir lu pas mal de littératures au sujet de cet épisode vu par quelques milliards de gens sur la planète foot, j’en suis arrivé à ce constat contradictoire : Zidane a fait une belle connerie, mais qu’elle fait du bien !
Il a fait une connerie, bien sûr, car en tant que non violent et opposé farouchement à la loi du Talion, je ne peux pas défendre aux yeux de mes gosses cette image d’un mec qui balance un bourre pif (un bourre bide en l’occurrence) sous prétexte qu’on lui a causé de travers. A fortiori en pleine paix ©.
J’ai d’abord été très déçu de cette réaction néandertalienne à de la provoc’ de bas fond (sans en connaître, sur le moment, la teneur). J’en ai même perdu le goût du match, pourtant de haut vol, au point que la séance des penalties fut un détail. Tout comme la défaite…
L’assistance autour de moi a senti que quelque chose d’irréparable s’était passé. Un mythe s’écroulait. Si tant est qu’un joueur de foot, aussi exceptionnel soit-il, puisse être mythique.
[Interlude]
C’est qu’elle en a bougé du monde, cette équipe, de 1998 à 2006. Elle en a fait des heureux et des malheureux (et vice versa selon l’angle d’attaque). On l’a vu naître, le Zizou, sur le petit écran. Chaque français un tantinet large d’esprit a constaté l’éclosion de cette équipe « black-blanc-beur » qui, le temps d’une compétition, nous laissait croire que l’intégration n’était pas une vue de l’esprit. La France de M. Aimé Jacquet, symbole à lui-seul de celle d’en bas.
[/Interlude]
Ce coup de boule répondait – on le sait maintenant – à une provocation sinon raciste, du moins touchant ce que beaucoup disent avoir de plus « sacré ». Pour ma part je ne sais pas si, venant d’un inconnu, je serais si blessé que ça. Un mec qui balance un truc qu’il n’a aucun moyen de vérifier ou prouver, c’est un tocard. Qu’il aille voir ailleurs si j’y suis !
L’ignorance est sans doute la réponse la plus sage. C’est vrai quoi : si l’on me traite de fils de pute alors que ma mère n’a jamais exercé le plus vieux métier du monde, qu’est-ce que j’en ai à battre ?
Maintenant, et c’est bien là où je veux en venir, à force de laisser certaines valeurs de côté je ne sais pas si nous ne nous avilissons pas. Le syndrome du bêêête mouton passif, qu’on lui donne un coup de pied au cul ou qu’on lui demande de plonger dans une fausse sceptique.
Alors j’ai fini par accepter l’idée qu’il a eu raison le bougre. Raison de ne pas laisser déraper une dernière fois un insultant notoire et récidiviste. Bien que, comme l’on susurré certains, à quelques minutes près le même coup de boule donné dans les vestiaires, à l’abris des caméras, aurait été aussi pertinent.
évidemment, ce n’était pas calculé car on le sait bien, Zidane écorné de ses nombreux cartons (de toutes les couleurs) n’était pas toujours un enfant de coeur. Ange et démon comme l’ont titré quelques canards. Ce qui rend ce geste, accompli lors d’un des événements les plus importants de sa vie, à dix minutes d’une consécration que le monde entier attendait2, courageux voire héroïque.
Ceci étant dit, je me demande si je tiendrais un raisonnement identique si j’avais été italien, que la France avait gagné et que Materazzi avait mis une droite à Thuram3, ce dernier l’ayant traité de mussolinien. Remarquez, y a au moins un truc qui aurait été vrai
[Fair play]
N’oublions pas que le « meilleur joueur du monde » était devenu l’homme à abattre. Et les italiens ne se sont pas privés de provocations physiques et morales durant cette finale, à l’égard de Zizou, comme les portugais et les espagnols auparavant (rappelons les sifflets et quolibets aggressifs des supporters ibériques en 8ème). On se demande même si Materazzi n’aurait pas appliqué des consignes sur mesure à l’encontre du capitaine des bleus, connu des joueurs de la squadra azzurra et de Marcello Lippi pour sa susceptibilité légendaire.
A ce titre, je rends hommage aux brésiliens, champions du monde en titre et super favoris de cette coupe du monde, battus sans détour par Zidane et les siens, pour ne pas être tombés dans le piège du pourrissage. Comme à leur habitude, le bon esprit habite ces formidables joueurs sud américains. Car chaque passe d’arme du capitaine courage, en état de grâce face à deux ou trois auriverde, aurait pu se terminer par un tacle « soutenu » ou un tirage de maillot. Il n’en fut rien.
En toute logique la FIFA a d’ailleurs attribué le prix du fair play à l’équipe du Brésil. Cette formation que l’équipe de France a affronté trois fois en coupe du monde depuis 1986, lors de trois matchs d’anthologie. Trois confrontations formidables où l’esprit de Coubertin prenait tout son sens, où chaque « supporter » amoureux du beau jeu était prêt à basculer pour l’une ou l’autre en avouant… que le meilleur gagne.
[/Fair play]
Autres liens glanés çà et là :
Domenech n’a jamais pensé à protéger Zidane
Zinédine et nos mythologies
Zidane, les tartuffes et les fripouilles
Zidane, ta brutalité est inadmissible !
Son parcours
Pour terminer et changer d’air, allez [re]lire le poème de Rudyard Kipling publié sur ces ondes. Histoire aussi, peut-être, de me prendre les pieds dans le tapis…
3. le choix de Thuram, immense joueur français des plus colorés, n’est pas fortuit dans la mesure où il est vain d’en chercher l’équivalent dans la squadra